Anamorphose : que la Force soit dans vos cartes !

Depuis quelque temps, on voit fleurir sur le web de drôles de cartes présentant des territoires que l’on a du mal à reconnaître. Et pour cause : ces territoires sont déformés pour mieux mettre en évidence le phénomène cartographié. Alors, en attendant le prochain épisode de Star Wars et comme c’est bientôt Noël, nous vous révélons les secrets d’un nouveau pouvoir tiré de la Force : l’anamorphose.

Si la technique d’anamorphose qui se cache derrière ces cartographies originales est difficile à automatiser, le principe de ces représentations est finalement assez simple à comprendre. Il s’agit de déformer les territoires de la carte pour que leur aire ne reflète plus la réalité géographique mais une variable statistique (une population ou un PIB par exemple). Sur la carte ci-dessous, qui a été transformée d’après la population, les communes d’Île-de-France ont ainsi été grossies tandis que celles
de Corse ont été réduites (parce que la densité de population est bien plus élevée en Île-de-France qu’en Corse). On a ensuite coloré de façon plus classique chaque commune en fonction du score de Marine Le Pen au 1er tour de l’élection présidentielle de 2012.

infographie du Monde avec une anamorphose
Oui, mais à quoi bon faire des cartes que seuls les maîtres Jedi peuvent interpréter ? Me direz-vous. Et
bien, justement oui ! L’anamorphose simplifie la lecture de la carte en faisant ressortir la corrélation entre deux phénomènes (dans notre exemple la population et le pourcentage de vote FN). En effet, avec une anamorphose, on voit tout de suite que les électeurs du FN se concentrent majoritairement à la
périphérie des grandes métropoles et dans les campagnes (hors mis dans le Sud-Est). À l’opposé, on constate que Marine Le Pen a obtenu des scores assez faibles dans les grandes villes, là où se trouvent pourtant les plus gros réservoirs de votants. Pour se convaincre que la carte est plus « parlante » après une anamorphose, il suffit de produire la même carte sans déformation. Le contraste entre zone rurale et zone urbaine est alors bien moins saisissant. 

 

score de Marine Le Pen au 1er tour de la présidentielle de 2012
Maintenant que l’apport des anamorphoses en matière de représentation de données est posé, il ne nous reste plus qu’à expliquer comment on construit de telles cartes. C’est alors qu’intervient toute la magie de la Force… Mais quittons quelques minutes le monde merveilleux de Star Wars pour revenir sur notre bonne vieille Terre. Pour comprendre la force qui permet de produire une anamorphose, nous n’évoquerons pas les midi-chloriens mais le bien moins mystique principe de gravité. Pour déformer le fond de carte, il faut imaginer qu’il est constitué d’une matière élastique sur laquelle on dispose des masses. Sur le barycentre de chaque objet, on place une masse proportionnelle à la densité de variable statistique de déformation (la densité de population dans notre exemple). Lorsque la valeur de densité de la variable est supérieure à la densité moyenne, la force exercée est positive et les objets autour grossissent. À l’inverse, lorsque la valeur de la densité de la variable est négative, la force est exercée négativement et les objets avoisinant rétrécissent. C’est la combinaison de toutes ces forces appliquées sur un fond de carte topologique qui produit une déformation continue. En effet, c’est en considérant le fond de carte comme une suite d’arcs et non comme de simples sommets (X, Y) que l’on s’assure d’avoir
une carte sans superposition et sans espace entre les objets.
pib_hab_cartogram

exemple d'anamorphose avec un ratio

Jusqu’à présent nous avons traité des cas où la variable de déformation est additive. Cependant, on peut aussi être amené à utiliser une anamorphose sur une donnée non additive, typiquement un ratio. Dans le cas d’un ratio, on n’utilisera pas le ratio lui-même pour transformer la carte, mais le dénominateur de celui-ci. La couleur des objets traduira ainsi l’intensité du phénomène (avec une analyse choroplèthe) tandis que leur surface traduira le volume sous-jacent. De la sorte, on rééquilibre la carte en donnant plus de poids aux zones où le phénomène concerne plus d’individus.

Sur la carte ci-contre, on a utilisé le PIB par habitant pour la
coloration et le nombre d’habitants pour la déformation. On a ainsi redonné du "poids" à l'Ile-de-France en augmentant sa taille du fait de sa forte densité de population. Visuellement, la carte est alors plus proche de la réalité du phénomène.

 

Le tout nouveau Géoclip mobile, qui exploite des fonds de carte en format topologique, peut ainsi proposer une fonction d’anamorphose sur toute une panoplie d’indicateurs. L’anamorphose est calculée à la volée et la transformation est mise en valeur par une animation qui permet de mieux identifier les espaces en expansion.